Les cigares Great Wall pourraient arriver en France bientôt

Les cigares Great Wall pourraient arriver en France bientôt

Le monde du cigare pourrait voir l’arrivée prochaine d’un acteur inattendu sur le marché hexagonal : Great Wall, la marque de cigares premium chinoise, annonce son ambition de conquérir l’international. Jusqu’ici très confidentielle en Europe, cette marque venue de Chine bénéficie pourtant d’un riche héritage et d’un positionnement haut de gamme dans son pays d’origine. Dans un secteur dominé par les cigares cubains et d’autres terroirs traditionnellement réputés, l’éventuelle introduction de cigares made in China en France suscite autant de curiosité que d’interrogations. Professionnels du tabac et aficionados surveillent de près cette évolution, d’autant que Great Wall Cigars semble mettre tous les atouts de son côté pour réussir son entrée sur la scène française.

Great Wall : un géant du cigare chinois au riche héritage

Fondée en 1918 dans la province du Sichuan, Great Wall Cigars est la plus ancienne marque de cigares en Chine. Son histoire est intimement liée à celle du pays : dans les années 1960, l’usine de Shifang qui fabrique les Great Wall a produit des cigares spécialement pour le président Mao Zedong, lequel appréciait particulièrement l’un de leurs blends. Ces cigares « du 132 » (pour 132 mm, format pré-coupé) ont acquis un statut mythique après avoir reçu la bénédiction de Mao, au point de devenir un symbole national. La marque a même pris une dimension diplomatique : Mao offrait régulièrement ces cigares Great Wall en cadeau à des dignitaires étrangers, notamment au général de Gaulle lors de sa présidence dans les années 1960. Ce geste a durablement associé Great Wall à un certain prestige, transformant le cigare chinois en objet de soft power.

Au fil des décennies, Great Wall est restée sous le contrôle de la China National Tobacco Corporation, le monopole d’État chinois du tabac. L’entreprise a massivement modernisé ses infrastructures, inaugurant en 2007 une usine ultramoderne à Shifang pour augmenter sa capacité de production. Elle a également noué des partenariats avec des acteurs internationaux du secteur, tels que le groupe Altadis et le néerlandais Agio, afin de bénéficier de technologies de pointe et de savoir-faire en matière de cigares premium. Par exemple, une maître-torqueuse dominicaine, Lucrecia Valdez, est envoyée régulièrement chez Great Wall pour former les rouleurs et garantir un niveau de qualité conforme aux standards internationaux. Ces collaborations ont aidé Great Wall à élever la qualité de ses modules faits main, tout en conservant une identité chinoise dans les mélanges de tabac.

Leader du marché domestique face aux cigares importés

Sur le marché chinois, Great Wall occupe aujourd’hui une position dominante. Longtemps, les fumeurs chinois fortunés n’avaient d’yeux que pour les Habanos cubains – au point que la Chine est devenue le premier débouché mondial des cigares de Cuba ces dernières années. Toutefois, Great Wall a su tirer parti de la croissance de la demande locale et du positionnement premium de ses produits pour s’imposer progressivement comme une alternative nationale de qualité. La marque revendique ainsi plus de 50 % de part de marché sur le segment des cigares haut de gamme en Chine, et près de 70 % des cigares premium faits main vendus dans le pays. En 2022, Great Wall a écoulé plus de 14 millions de cigares faits main, soit environ 65 % du marché chinois de ce segment – une progression fulgurante par rapport aux 2 millions d’unités produites en 2019.

Great Wall reste toutefois confronté à une concurrence de taille sur son propre terrain : les cigares importés, en particulier les prestigieuses puros de Cuba, conservent un fort attrait auprès des collectionneurs et fumeurs de luxe en Chine. Pour rivaliser, la marque chinoise a adopté une stratégie qualitative en s’inspirant des méthodes éprouvées des grands terroirs du cigare. Elle cultive par exemple du tabac « graines de Cuba » dans ses plantations du Sichuan depuis le début des années 2000, tirant profit d’un climat local étonnamment semblable à celui de la Vuelta Abajo à Cuba. Great Wall s’est aussi lancé dans la culture de tabacs dans la province tropicale de Hainan pour diversifier ses terroirs. Surtout, la marque n’hésite pas à intégrer des tabacs importés dans la tripe et la sous-cape de ses modules : Brésil, République dominicaine, Équateur, Nicaragua… De nombreux lots de feuilles étrangères sont achetés puis expédiés en Chine pour entrer dans la composition de ses cigares. Le résultat est un profil aromatique plus international, susceptible de plaire au palais des connaisseurs hors de Chine.

Cette montée en gamme progressive porte ses fruits. Un critique occidental ayant goûté un des nouveaux cigares Great Wall lors du salon InterTabac 2024 a noté « une amélioration remarquable » de la qualité par rapport aux tentatives chinoises du passé. Le cigare dégusté ce jour-là s’est avéré « tout à fait correct », au point que, d’après lui, s’il était commercialisé sous la marque d’un producteur établi, il trouverait sans peine sa place sur le marché américain exigeant. Bien qu’il ne se hisse pas encore au niveau des meilleurs cigares de l’année, ce module a démontré que Great Wall a atteint un standard de fabrication et de saveurs honorable, gage de sérieux pour son expansion future.

Des ambitions internationales affichées

Stand de Great Wall Cigars au salon InterTabac de Dortmund en septembre 2024, marquant la première apparition de la marque sur la scène européenne. Cette présence remarquée sur le plus grand salon professionnel du tabac en Europe illustre la détermination de Great Wall à se faire connaître hors de ses frontières. Si, jusqu’à récemment, les cigares Great Wall étaient quasi introuvables en dehors d’Asie, la donne est en train de changer. China Tobacco International HK (CTIHK), la filiale de la compagnie d’État chinoise basée à Hong Kong, vient de conclure un accord de distribution mondial exclusif avec le fabricant China Tobacco Sichuan Industrial (propriétaire de Great Wall). Ce contrat, officialisé fin juillet 2025, vise à déployer les cigares Great Wall sur les marchés internationaux, à l’exception du marché continental chinois qui reste géré directement par la maison mère. Il s’agit d’une étape stratégique majeure pour la marque, soutenue au plus haut niveau par l’administration chinoise du tabac, qui voit là un modèle de développement à l’export pour ses produits.

Concrètement, CTIHK a désormais la charge de nouer des partenariats de distribution pays par pays pour introduire Great Wall dans les civettes et boutiques spécialisées du monde entier. Dès 2024, la filiale hongkongaise avait posé les jalons en lançant la marque sur quelques marchés pilotes en Asie : Hong Kong, Macao, Singapour, Thaïlande ou encore Cambodge, principalement via le réseau des boutiques duty-free. Forte de ces premières expériences, Great Wall cible désormais l’Europe, marché crucial pour tout cigare haut de gamme. L’équipe dirigeante confiait en juin 2024 sa volonté d’attaquer le Vieux Continent, et elle a multiplié les signes en ce sens. Outre le stand déployé à InterTabac Dortmund en septembre 2024, Great Wall a de nouveau réservé un espace au salon de 2025, toujours à Dortmund, opéré directement par CTIHK. Être présent à ce rendez-vous annuel des producteurs et distributeurs de cigares est un moyen indispensable pour nouer des contacts avec les importateurs européens, faire déguster les produits et préparer leur entrée dans les différents pays.

Parallèlement, Great Wall soigne son image de marque à l’international. Le packaging de ses vitoles a été repensé avec soin – il rappelle volontiers l’esthétique classique des boîtes cubaines, ce qui n’est sans doute pas un hasard. La marque s’est aussi associée à des maisons de luxe occidentales pour gagner en crédibilité : lors d’InterTabac, Great Wall présentait par exemple une collaboration avec Elie Bleu, le fabricant français de prestigieux humidors sur mesure. Une série limitée de cavettes ornées de motifs de la Grande Muraille de Chine a été conçue en partenariat avec Elie Bleu, témoignant du positionnement haut de gamme et du raffinement que Great Wall veut communiquer aux amateurs européens. Ces efforts de branding, ajoutés à la montée en qualité intrinsèque des cigares, montrent que le fabricant chinois entend rivaliser avec les meilleurs dans le cœur des passionnés.

Vers une introduction sur le marché français

En toute logique, la France fait partie des pays visés par l’expansion de Great Wall Cigars en Europe. Si aucune date précise n’a encore été annoncée pour l’arrivée effective des cigares chinois dans l’Hexagone, de nombreux signes laissent penser que ce n’est plus qu’une question de temps. L’Amateur de Cigare, magazine de référence bien connu des fumeurs français, a révélé que Great Wall préparait activement son déploiement international et qu’un stand leur a été réservé au salon InterTabac de septembre à Dortmund. Cette information, relayée dans la presse professionnelle du tabac, est significative : elle signifie qu’un importateur ou distributeur européen (peut-être même français) a suffisamment d’intérêt pour la marque pour l’accompagner sur ce salon. On peut s’attendre à ce qu’à l’issue d’InterTabac 2025, des accords de distribution soient négociés pour divers pays d’Europe, dont la France.

Rappelons que le marché français du cigare est l’un des plus dynamiques d’Europe continentale, avec une clientèle d’amateurs éclairés attachés tant aux havanes cubains qu’aux productions du Nouveau Monde (République dominicaine, Nicaragua, Honduras, etc.). L’arrivée d’un nouvel acteur provenant de Chine serait une première historique. Jusqu’à présent, les cigares chinois sont absents des linéaires français, sinon via quelques circuits de niche ou souvenirs rapportés de voyage. Great Wall pourrait donc être le tout premier à relever ce défi. La marque, consciente du scepticisme possible, mise sur la curiosité des aficionados français. Il faut dire que ses cigares ont de quoi intriguer : conception soignée, tabacs partiellement exotiques, et une aura d’objet rare. Great Wall a déjà démontré un certain intérêt pour la France par le passé, en lançant en 2017 un cigare dédié à l’amitié sino-française dont la boîte arborait côte à côte la Grande Muraille de Chine et la Tour Eiffel. Cette édition spéciale, certes symbolique, montre que la marque considère la France comme un terreau favorable pour sa notoriété internationale.

Quels cigares Great Wall pour le public français ?

Reste à savoir comment les cigares Great Wall seront accueillis par les fumeurs et détaillants français, réputés pour leur exigence. Sur ce point, la stratégie de l’entreprise chinoise est claire : prouver que ses cigares valent, en qualité et en plaisir, les modules haut de gamme d’origine cubaine ou latino-américaine. Les connaisseurs français découvriront probablement une gamme comprenant les séries phares de Great Wall. Parmi celles-ci figurent la série 132 – clin d’œil au fameux cigare 132 mm approuvé par Mao – déclinée en robusto, churchill et autres modules, et présentée comme l’expression la plus traditionnelle du savoir-faire maison. Great Wall propose aussi des lignes plus modernes comme la « Spectacular » No 1 et No 3, qui incorporent des tabacs du Nicaragua et de République dominicaine en plus du tabac chinois, afin d’offrir une palette aromatique plus complexe. Ces cigares, vendus autour de 18 € pièce en Asie, se positionnent clairement sur le segment de luxe. D’autres éditions limitées et coffrets de prestige pourraient également être proposés pour marquer les esprits des collectionneurs.

En termes de profil gustatif, les premiers retours font état de cigares plutôt doux à medium en force, avec des notes dominantes boisées, crémeuses et légèrement épicées. Un testeur ayant fumé un Great Wall No.1 évoque par exemple du lait malté, de châtaigne grillée et de cèdre, évoluant sans agressivité tout au long de la dégustation. D’autres modules de la marque mettraient en avant des saveurs de fruits secs et une certaine douceur miellée. Bien entendu, chaque série aura son caractère propre, et il conviendra aux amateurs français de se faire leur opinion, cigare en main. L’important est que la construction et la combustion semblent au rendez-vous – une condition sine qua non pour convaincre une clientèle habituée à la qualité des productions cubaines et centro-américaines.

Un tournant à suivre de près

L’éventuelle introduction des cigares Great Wall en France marquerait une nouvelle étape dans la mondialisation de l’univers du cigare haut de gamme. Voir une marque chinoise tenter sa chance sur le marché français aurait semblé improbable il y a encore quelques années, tant la culture du cigare de luxe était associée à quelques terroirs emblématiques. Pourtant, la Chine, deuxième consommateur mondial de cigares derrière les États-Unis, entend bien jouer un rôle de premier plan dans cette industrie globalisée. Great Wall Cigars, avec l’appui du géant China Tobacco, se positionne comme le fer de lance de cette ambition. Son succès en France dépendra de plusieurs facteurs : la qualité objective des cigares bien sûr, mais aussi la capacité à s’insérer dans le réseau très structuré des buralistes et civettes, et à gagner la confiance d’un public de passionnés souvent fidèles à leurs marques fétiches.

Il est clair que les professionnels français du tabac observeront attentivement les performances de Great Wall dans les mois et années à venir. Si les premiers retours sont positifs et que la demande suit, d’autres marques chinoises pourraient être tentées de franchir le pas de l’exportation vers l’Europe. À l’inverse, un échec commercial de Great Wall enverrait le signal que le consommateur n’est pas prêt pour des cigares estampillés Chine. Quoi qu’il en soit, la démarche s’inscrit dans une tendance de diversification de l’offre mondiale de cigares. Après les émergences de nouvelles origines (Mexique, Costa Rica, Philippines, etc.), c’est au tour de l’Empire du Milieu de vouloir sa part du gâteau. Les cigares Great Wall arriveront-ils en France bientôt ? Tout porte à le croire. La balle est désormais dans le camp des importateurs français – et, bientôt, dans celui des fumeurs pour juger, feu au pied, de la place que mérite ce « mur de Chine » dans leurs caves à cigares.